Le BRT : une réponse aux enjeux de mobilité dans l’agglomération dakaroise
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Le transport en commun à Dakar va changer de visage avec l’avènement prochain du système de bus sur voies réservées (BRT), un projet de transport urbain ambitieux qui vient s’intégrer dans la restructuration globale du secteur. Cette réponse structurelle s’inscrit dans la stratégie globale de mobilité urbaine durable dans l’agglomération dakaroise, pilotée par le Conseil exécutif des transports urbains de Dakar (CETUD).
Les Bus Rapid Transit (BRT), appelés aussi « Bus à Haut Niveau de Service » ou BHNS, ont la particularité de circuler sur des voies qui leur sont exclusivement dédiées, comme le système de tramway. Le BRT, dont l’attribution du marché de travaux est prévue en décembre 2018, apportera surement une bouée d’oxygène – y compris au sens propre puisque réduisant les émissions de gaz polluants – aux usagers des transports de masse dans l’agglomération dakaroise.
Pour assurer la liaison entre la Préfecture de Guédiawaye et la gare de Petersen, 144 bus articulés seront mis en service pour transporter 300.000 voyageurs quotidiennement. Comme l’a assuré le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Abdoulaye Daouda Diallo, à l’occasion de l’atelier technique de lancement du BRT tenu à Dakar le 18 septembre 2018, « le temps passé par un voyageur pour relier Guédiawaye au centre-ville sera réduit de moitié ».
Les principaux partenaires du Senegal dans ce projet, notamment la Banque mondiale et la Banque Européenne d’Investissement, en ont tous justifé la pertinence. Ainsi, a souligné Louise Cord, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Sénégal, la Mauritanie, la Gambie, la Guinée-Bissau et Cabo Verde, « en plus de réduire le temps de trajet, le BRT va aussi permettre à 69 % des résidents de Dakar d’accéder au centre-ville en moins d’une heure en Transport Publics contre 57 % aujourd’hui ». Cet impact est principalement lié à la pertinence de l’itinéraire du BRT qui traverse les zones les plus densément peuplées et congestionnées de la région capitale.
Vers une réduction de la dépendance aux véhicules particuliers
Le représentant résident de la Banque européenne d’Investissement (BEI) au Sénégal, Philippe Brown, s’est félicité du fait que ce nouveau mode de transport réduira considérablement la congestion de l’aggloméraion de Dakar et la dépendance automobile.
En effet, selon les études du CETUD, l’un des effets de la croissance économique du pays est le renforcement du parc automobile qui enregistre une croissance annuelle de 10 % (trois fois plus importante que la croissance de la population). Considérant que 80% des déplacements motorisés sont réalisés en transport public et que le taux de motorisation des ménages n’est que de 25 véhicules pour 1000 personnes (cet indicateur dépasse souvent 500/1000 dans les pays dits développés), alors que le réseau routier a déjà atteint ses limites de capacité. Il fallait apporter des réponses fortes par un investissement priorisant les transports de masse (BRT et TER) et le rééquilibrage des fonctions urbaines à travers les pôles urbains à l’Est de l’agglomération dakaroise, s’est réjoui le directeur général du CETUD, Thierno Birahim Aw. Ce rééquilibrage est d’autant plus nécessaire que les prévisions statistiques permettent de chiffrer la population de Dakar à 5 millions d’habitants à l’horizon 2030, sur seulement 0,3% du territoire national.
300 milliards de FCfa pour un ambitieux projet
Ce sont 300 milliards de FCfa qui seront consacrés à la réalisation du projet de BRT, premier système de bus rapides sur voies réservées à haute capacité en Afrique de l’Ouest et le premier Partenariat public-privé (PPP) en transports urbains au Sénégal. Le financement provient en grande partie de la Banque mondiale qui contribue à hauteur de 184 milliards de FCfa, ce qui en fait « le plus gros investissement » de l’institution au Sénégal, selon le représentant-résident de l’organisme, Louise Cord. La Banque européenne d’investissement contribuera à hauteur de 52 milliards de FCfa. L’Etat du Sénégal n’est pas en reste, elle apportera une contrepartie de 15 milliards de FCfa, pour la libération des emprises. Toutes les procédures dans l’exécution du projet BRT sont engagées tant pour le recrutement de l’opérateur que de l’entreprise en charge des travaux.
Un projet de transport structurant pour le Grand Dakar
Les voyageurs qui emprunteront le BRT, verront la durée de leur trajet réduite de moitié, 90 minutes à 45 minutes de la Préfecture de Guédiawaye à la gare de Petersen, dans des conditions de sécurité, de confort et de régularité obéissant aux standards les plus élevés, a rassuré le ministre Abdoulaye Daouda Diallo. Le BRT, c’est un linéaire de 18,3 km desservant 14 communes, 23 stations fermées à quai central pour des bus à plancher haut (la hauteur des quais sera de 95 cm). Partant de la gare de Petersen, le BRT emprunte les Allées Papa Guèye Fall, le boulevard général De Gaulle, la Place de l’Obélisque. Le BRT continue sur le boulevard Dial Diop, le collège Sacré-Cœur, le rond-point de Liberté 6, Grand Yoff. Après avoir longé l’échangeur Alioune Sow, le BRT prend les chemins des Parcelles Assainies, la cité Fadia, Cambérène, l’hôpital Dalal Jamm pour finir sa course à la préfecture de Guédiawaye.
Des services diversiés et attrayants
Prendre le BRT, c’est avoir le choix entre quatre types de services de bus:
- Il s’agit de la ligne omnibus préfecture de Guédiawaye - Gare de Petersen avec arrêts à toutes les stations,
- la ligne semi express Préfecture de Guédiawaye - Gare de Petersen avec arrêts à certaines stations,
- la ligne express Préfecture de Guédiawaye - Gare de Petersen avec arrêts aux stations les plus importantes,
- la ligne express Grand Médine - Gare de Petersen sans arrêt.
Les lignes semi-express et express permettront de réduire le temps d’arrêt en station, optimisant ainsi le temps de transport en augmentant la vitesse commerciale.
Une intégration avec le TER
Le BRT entrant dans le cadre global de restructuration des transports urbains, sa complémentarité avec le Train express rapide (TER) sera réalisée grâce à des pôles d’échanges multimodaux, principaux lieux de ruptures de charges. Ainsi, la fréquentation du BRT sera assurée à 60% par des bus de rabattement et celle du TER à 90 %, selon les prévisions du CETUD. « La viabilité des investissements dépend fortement de la mise en place des lignes de rabattement efficaces pour permettre l’intégration physique et tarifaire du futur réseau de transport public dakarois ; deux objectifs principaux de l’autorité organisatrice des transports qu’est le Cetud ».
Un projet vert avec aménagement paysager
Les grands projets infrastructurels ont souvent comme corollaire une défiguration de l’environnement, mais cette crainte est à écarter avec le projet de BRT. La dimension environnementale du projet a été bien prise en compte, d’ailleurs ce « projet vert » est le seul inscrit par le Sénégal dans le cadre des engagements de l’Accord de Paris lors de la Cop 21. Aussi, le ministère de l’Environnement a déjà délivré au projet un certifcat de conformité environnementale en novembre 2017.
En outre, le BRT est le premier projet de transport au monde qui est actuellement examiné par le Fonds Vert pour le Climat pour un financement de 21 milliards de FCFA.
Le corridor sera doté d’une station de mesure de la qualité de l’air pour renforcer le dispositif de surveillance de la pollution. Durant les travaux, l’adoption de bonnes pratiques environnementales ne sera pas en reste (limitation des nuisances sur les milieux récepteurs, les riverains et les usagers de la voie publique comme les bruits, les salissures, etc.). Il est prévu une écriture végétale identitaire basée sur une palette assez réduite et des essences qui marqueront les points singuliers du tracé. Des essences comme le tek sont prévus sur les alignements, quand les emprises le permettront.
Teks, palmiers, pour meubler le décor
Des plantes couvre-sol persistantes meubleront les séparateurs de la plateforme Brt. On verra des palmiers (essences stériles) sur les points singuliers du tracé (carrefours, pôles d’échanges, courbes). Les usagers pourront profiter de l’ombre de plantations d’agréments sur les terre-pleins, en attendant l’arrivée des bus. Il est aussi prévu aux lignes épurées un mobilier urbain (corbeilles de propreté en acier inox, potelets en aciers thermolaqués aux abords des passages piétons, qui peuvent même être détectés par les non-voyants et les malvoyants. Les piétons n’ont pas d’inquiétudes à se faire, car ils seront en sécurité grâce à des plateformes conçues pour leur permettre de rester à niveau avec le trottoir. Ces traversées auront un îlot refuge de 2m de large et seront munies de dalles podotactiles disposées à 50 cm du fil d’eau du trottoir et du gabarit limite d’obstacles.
Les passagers à mobilité réduite pourront se déplacer grâce à des zones d’attente et des conditions d’embarquement sans obstacles. Les bus seront moins polluants grâce à l’introduction d’une qualité de diesel aux standards internationaux, « une expérimentation en vue de bus hybrides ou électriques », ajoute Mme Cord.
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